Nous avons appris par voie de presse le discours de Mme. Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, auprès des président·es d’universités. Celle-ci demande « d’utiliser l’étendue la plus complète des pouvoirs que vous (les président·es d’universités) confère le Code de l’éducation » mais rappelle aussi que les président·es peuvent prononcer une interdiction temporaire d’accès à l’établissement, le tout dans l’objectif d’agir contre la mobilisation étudiante pour rétablir l’ordre à tout prix. Il est donc question ici d’interdire de campus des étudiant·es se mobilisant alors que la période d’examen va commencer.
De plus, la ministre affirme qu’il est «hors de question que les universités prennent une position institutionnelle en faveur de telle ou telle revendication dans le conflit en cours au Proche-Orient». En dehors du fait que cette phrase laisserait penser que l’idée d’un cessez-le-feu serait une revendication clivante, l’une des principales revendications du mouvement étudiant, en France comme ailleurs, est la suspension des partenariats avec des universités ou des entreprises participant activement dans la réponse armée d’Israël envers la population palestinienne. Cette revendication est aujourd’hui centrale dans les mobilisations étudiantes, aujourd’hui les universités sont peu transparentes sur leurs liens avec des universités ou des entreprises qui participent au génocide en cours. Pour comprendre cette revendication, il faut comprendre ce qui est reproché à certaines universités israéliennes et en quoi leur boycott permettrait d’appuyer la résolution de cessez-le-feu. L’Université de Tel-Aviv organise le programme Atuda, qui permet aux étudiant·es qui entament des études supérieures de différer leur service militaire et d’assumer plus tard un rôle spécialisé dans l’armée israélienne et propose une offre de formation en droit militaire, ce sont d’ailleurs des anciens étudiants de ce cours qui ont défendu Israël contre la plaint pour génocide de l’Afrique du Sud. En parallèle, elle propose aux étudiant·es de concevoir des produits pour Elbit Systems, la plus grande entreprise d’armement israélienne, et encourage à poursuivre une carrière dans l’industrie de l’armement. Pour finir, elle est liée au Institute of National Security Studies (INSS), qui a élaboré la doctrine Dahiya, qui stipule que les infrastructures civiles des adversaires doivent être détruites. L’Université hébraïque, elle, construit des dortoirs sur des terres palestiniennes dans Jérusalem-Est, forme des médecins pour l’armée israélienne et propose les programmes Havazlot et Talpiot, qui sont des formations d’élite pour les militaires. Ben Gourion, Weizman et l’Université hébraïque ont des programmes de recherche avec Elbit System. L’institut Holon collabore avec les militaires dans le domaine de la recherche. Du côté des entreprises, Teva Pharmaceuticals est l’une des seules sociétés autorisées à vendre des médicaments en Palestine en raison de la politique d’apartheid et profite ainsi économiquement de l’occupation.
Dans la plupart des cas, les étudiant·es ne demandent pas une rupture nette avec l’ensemble des partenaires israéliens mais bien ceux qui profitent du conflit ou qui participent activement à une effort génocidaire. Cette revendication ne devrait pas être conflictuelle, lors du début du conflit armée en Ukraine, le ministère de l’enseignement supérieur a fait le choix de couper toutes relations diplomatiques avec les universités russes, en dépit d’un soutien ou non à la guerre en Ukraine, afin de faire pression pour qu’un cessez-le-feu soit appliqué le plus rapidement possible (circulaire du 28 février 2022).
En dépit de la criminalisation du mouvement pour la paix, nous maintenons qu’une prise de position de nos universités dans ce conflit est nécessaire. Ainsi, nous maintenons notre appel à la mobilisation étudiante, partout en France et selon les modalités choisies par les étudiant·es pour faire pression sur les universités et sur le gouvernement pour que de réelles actions en faveur de la paix soient entreprises.